La rencontre avec le PDG prenait fin, permettant à l'asiatique de se lever et de s'étirer un peu. Son verre non terminé à la main, il suivit gracieusement le gérant du Lux sans retenir sa curiosité montante à l'égard de son nouveau partenaire qui d'ailleurs, était déjà assis à la table. Mais lorsqu'Andrej le laissa à quelques pas de celle-ci, le silence tomba dans la tête du chanteur, et une angoisse latente commença à s'insinuer entre ses tripes.
Merde.
De toutes les personnes qu'il pouvait croiser, il fallait que ce soit lui, ici. Jace attendait sans visiblement se douter de sa présence et Tao Yàn hésita fermement à tourner les talons pour s'enfuir de la boîte. Mais les mots de Zephir lui revenaient et l'obligèrent à tirer la chaise pour s'y asseoir avec une lenteur hésitante.

- Salut.

Ça lâche sans le regarder, zyeutant du coin de l'oeil un couple qui avait visiblement du mal à se séparer pour aller à leur prochain date.

- Tu t'amuses bien ?

Pour l'instant ?

Il avait l'air tendu. Normal, lui aussi l'était. Mais maintenant qu'il était assis, c'était un peu tard pour s'excuser et prendre la porte.

- Pas ouf.

J'suis pas là pour le plaisir, juste pour passer le temps.
Contrairement à lui ; le chanteur ne doutait pas que l'autre étudiant ait sauté sur une occasion supplémentaire de s'amuser. Calant son dos dans le dossier de sa chaise, armé d'une fausse expression de détente, il anima ses doigts d'un mouvement fluide qui fit tourner le liquide à l'intérieur de sa coupe alors que le roux reprenait la parole.

- Un ami m'a traîné. Il laisse passer quelques secondes de silence, C'est long et ... pas très intéressant. Tu crois qu'y'en a qui trouve leur bonheur ?

Surement oui, il pense, en balayant la pièce du regard, l'oeil tiquant de n'être tout simplement pas capable de se poser sur son "pote". Cette situation était vraiment gênante, et lui qui tentait de simplement paraître le plus cool possible.

- Tu veux boire autre chose ? Leur champagne est bon si jamais. Mais t'es plutôt Orgasme toi, c'est vrai ... Lâcha-t-il en réfléchissant à voix haute.

Tao lâche un vague mouvement d'épaules. Si ça allait le faire, p't'être, p't'être pas, il était pas bien sûr et pas sûr aussi de vouloir savoir. Il fixe et pourtant ne voit rien, l'information arrive pas au cerveau. Par contre, le rire de Jace, ça il ne le manque pas.
Ça lui fout un coup dans le ventre aussi, de surprise et d'appréhension. Pourquoi il rigole ? Puis ce rire, il l'a tellement entendu, que d'un mouvement instinctif, ça lui avait fait tourner un visage un peu surpris dans sa direction.

- Ouais, plutôt orgasme. J’ai jamais vraiment bu de champagne, pourquoi pas, ou tu m’accompagnes sur un orgasme ?

... Ah. Merde.
Y a un mince rougissement qui s'étale sur sa pommette suivit d'un vague "hmm" qui veut dire qu'il a pensé à autre chose. Ce nom de cocktail en même temps, merde. Puis c'était pas comme s'il était réactif à ça d'habitude, non. Là c'était pas pareil, Tao Yàn ne savait pas vraiment comment s'y prendre.

- J'en suis à mon deuxième et j'ai pas ... envie de finir bourré hum. Mais on trinquera quand même.

Ça lâche en faisant un signe pour qu'on vienne leur apporter à boire. Un orgasme, donc. Le cocktail bien sûr. Ses doigts rêches à force de gratter les basses, serrent un peu trop fort la tige de son verre et il déglutit, la gorge sèche. Sèche de quoi ? De pas boire surement ; alors il boit.

Le verre arrive, mais y a aucune détente qui vient avec.
Merde.
Tao n'est même pas sûr d'avoir envie d'arranger les choses parce que ça vaudrait dire qu'il faudrait se mettre en face de quelque chose qu'il n'a ni envie de voir, ni de regarder. Putain, ça lui ressemble pas cette prise de tête, lui qui est d'habitude si chill, si détente, si ... tout sauf ça.
Jace parle. Et lui ça l'aide pas, au contraire. Ça lui ramasse la gueule de culpabilité, il sent même son organe vital se serrer sous l'air profondément désolé du britannique. Il pourrait en gémir s'il avait été dans la capacité d'exprimer un peu plus ce qu'il ressentait.

- ... On zappe. Désolé. Désolé aussi.

La gerbe. L'envie de pleurer, ça lui arrive jamais mais là il descend son verre cul sec et se retourne vers le serveur.

- Un autre orgasme s'il vous plait. Merci.

Le verre arrivera vite et il le descendra tout autant. Ça crame son ventre, il a envie de lui dire que c'est pas grave mais son absence n'aurait alors aucun sens. Alors il ne dit rien. Lève juste un peu son verre quand il arrive et tente une esquisse dégueulasse de sourire qui ne trompe personne, même pas lui.

- Tu cherches un mec ? T'as trouvé des trucs cool pour l'instant ?

C'est quoi cette envie de le toucher qui lui fait fondre les doigts ?

Grillé. En même temps c'était pas dur mais entendre Jace dire à voix haute ça, c'était... difficile. Différent. Compliqué.

Me regarde pas comme ça j't'en supplié.

- Ouais j'ai besoin d'un ter.

Plus qu'une clope, un joint, de la beuh n'importe quoi mais pourvu qu'il arrête de le fixer comme ça...
Merde, merde, merde.
Tao Yàn se lève, avise son verre sans savoir s'il devait, pouvait l'emmener ou non. Au final, il le laisse là, enfile rapidement sa veste en passant sa main sur sa nuque protégée par son col roulé, avant de prendre le chemin de la sortie.

- C'est pour moi.

Une demande de pardon, encore, alors qu'il roule le stick et l'allume du bout des lèvres. Son attention se fixe sur le corps mouvant de Jace, caché là, dans la ruelle qui n'est même pas éclairée des lampadaires. Tao inspire. Laisse la fumée glisser dans ses poumons. Expire et lui tend. Ça souffle très bas, couvert par le ronronnement des voitures qui passent, dans cette obscurité qui l'empêche de complètement voir ...

- Tiens. Elle est bonne.

Avec lui, elle est toujours bonne de toute façon.

Jace a déjà conscience de sa capacité à n'offrir que des bons produits. L'avantage quand on est un peu friqué, c'est que tomber sur des stup' de qualité c'est facile. Et quand on est comme lui, en faire profiter à ses amis encore plus. De là où il est, Tao Yàn peut apercevoir le profil de l'étudiant éclairé par les lampadaires de la rue adjacente. Ça et la lueur du stick qui grésille à chaque inspiration.
Les siennes d'inspirations, elles sont moins longues qu'il voudrait.
Pourtant il est bien là, soutenu par le mur, l'arrière du crâne appuyé contre la brique un peu humide de cette foutue saison d'Angleterre.

Et l'autre qui propose une soufflette. Il est doué Jace, pour ça. Ça leur ait déjà arrivé plein de fois mais là, le brun doit bien avoué qu'il a du mal à comprendre ce que son vis-à-vis cherche. Il aimerait être capable de lire dans les yeux, au moins de distinguer ceux du rouquin, quand il reprend son ter pour tirer longuement dessus.

Pourquoi il veut faire ça ?

- Si tu veux.

Pourquoi il accepte en plus ? Ça n'a aucun sens. Tao inspire, bloque le flux et le relâche. La fin du joint arrive. Ça lui colle une pression dans le bas rein, son dos fait encore des siennes, il arrive pas à s'en défaire.

- C'est la dernière taffe ... Il murmure en lui tendant. J'te la laisse. C'est quoi ce besoin de parler, permanent ? Et la fumette qui rend sa bouche sèche ...

La soufflette hein, pourquoi pas. Mais ça pourrait être ambiguë et ça, ça le gêne un peu. Pourtant, il ne se sent pas de refuser. Jace le prévient et intérieurement, il trouve ça un peu bizarre. L'impulsion donné par l'autre étudiant les rapproche, Tao n'a pas besoin de bouger. C'est pratique, il ne se sent pas de faire le moindre mouvement bizarre - y a ses jambes qu'il sent encore plus faible que d'habitude -. Le tunnel se fait, mais cette fois, le chanteur est obligé d'approcher sa main pour le placer correctement sur sa bouche. Ses paupières se ferment petit à petit ; il n'y a plus que le murmure des lampadaires et la vibration des moteurs. Plus rien d'autre. La fumée glisse dans ses poumons et il sent ses muscles se détendre peu à peu.
Sa main n'a pas quitté la sienne.
L'asiatique a chaud, il ne sait pas pourquoi. Il n'est pas sûr de savoir. Ça fait beaucoup, pas assez, il sait pas mais peu à peu, il renvoie la fumée. Un retour doux, comme pour le remercier. Comme pour dire qu'il est désolé.
Mais merde, c'est si chaud, au fond de son ventre ...

Il pouvait voir, de là où il était, l'expiration claire qui se perdait en brume dans l'atmosphère de la ruelle. C'était bon. Tao Yàn pouvait sentir les effets qui commençaient à se diffuser dans chacune de ses muscles, détendant ses articulations, relaxant ses vertèbres. Il pourrait presque se sentir fondre dans la brique, si le contact avec la peau chaude de son ami ne le ramenait pas à la réalité.
Son ami.
Chaud.

Il avait chaud, oui. Et froid en même temps, parce que même de là où il était, il pouvait sentir ses mains frissonner. Jace était si prêt, mais avec le THC, ça ne semblait pas déranger son intimité. Et il se demandait, Tao, si la peau de Jace était aussi chaude que ce qu'il sentait irradier. Aussi chaude que son souffle, contre la commissure de ses lèvres.
Il frissonne.
C'est là, latent, ça n'attend que lui, qu'eux.
Est-ce que ses lèvres seront aussi chaudes ?
Il a froid, Tao Yàn. Sa propre respiration s'écrase contre celle du français, part en exploration de sa cavité buccale alors qu'il effleure de toute la délicatesse provoquée par le plus de la drogue. Est-ce que ..?

Le frôlement contre sa hanche, il le sent à peine. Peut-être même qu'il choisit de l'ignorer consciemment. Le corps du plus jeune se rapproche, appuie un peu plus le contact, quémande. Demande ce genre de choses que Tao ne veut jamais, que Tao n'aime pas, que Tao ne fait pas. Que Tao lui cède sans même se poser la question. Une caresse nouvelle contre sa bouche ; qu'il connait, avec Zephir, parfois quand il est bourré mais jamais il ne demande, jamais il ne répond.
Là, c'est différent.
Sa respiration s'écourte lorsque l'air n'est plus capable de filtrer hors de la barrière imperméable de leurs bouches. Le goût de Jace ... Il est aussi chaud que ce qu'il pensait. Son corps aussi.
Et comme ça, Tao Yàn se laisse faire. Il ne repousse pas, ni ne fuit, il déglutit à peine sous l'effleurement doux, la proximité inhabituelle.

C'est chaud, dans son ventre.
Ça réagit, plus au sud.

Stewart fils est incapable de réagir ou de penser droit. Ses doigts accrochent le bas du haut de l'étudiant. Une voiture passe, les phares illuminent la ruelle. Et il appuie davantage, ses lèvres contre les siennes.

Il s'entendrait presque respirer. Parce qu'il respire, Tao, contrairement à ce qu'on pourrait attendre. Et il respire fort. Les inspirations et expirations anarchiques, totalement dans le désordre ; et la pression contre sa bouche, ça le flingue. Il ne saurait pas dire si c'est agréable ou non.
La caresse sur sa nuque par contre ... A la racine de ses cheveux, les minces fils rasés, ce genre de zone qu'on ne touche pas mais extrêmement chatouilleuse. Sa respiration tressaute, peut-être même qu'il a lâché un gémissement et qu'automatiquement, il a tiré le corps brûlant à lui.
Ferme.
Dur.
Ce n'est pas un corps de femme, il le sent lorsqu'il s'appuie contre son entrejambe. Et il y a sent aussi, le début de réveille de la sienne ; c'est pas normal, ça n'arrive jamais.

- ... ah ...

J'ai envie de toi.
Ça le transcende, ça le dépasse. Son estomac se liquéfie, sa bouche tremble contre sa jumelle. C'est trop et pas assez en même temps.

Touche moi.
Ça murmure dans son corps, anime sa gorge d'une déglutition, le perd dans des méandres inconnues. La faute du ter, c'est sûr.

Ses propres doigts saisissent le poignet qui resserre sa hanche, comme pour l'arrêter mais le garder en même temps contre lui. Son souffle s'emballe lorsque le bassin de Jace frotte contre le sien et qu'il sent, l'Envie. Ce désir qu'il ne connait pas, encore moins pour une personne du même sexe que lui. La prise dans ses cheveux le fait vriller, la caresse chaude contre son piercing le fait se décoller légèrement du mur, juste assez pour appuyer encore le contact. Un contact qu'il veut, là, maintenant, tout de suite.

Tao.

Grave.
C'est une voix d'homme. La voix de Jace. Son coeur cogne si fort qu'il est sur le point de défoncer sa poitrine alors qu'il rouvre difficilement les yeux.
Jace.
C'est Jace, face à lui, qui l'embrasse. Quelqu'un l'embrasse. Un homme. Quelqu'un qui est Jace.
Ses doigts tremblent contre sa peau et il se détache en haletant, l'arrière de son crâne posé contre la brique. Et, idiot et dérangé comme le gamin pommé qu'il est depuis le début de sa vie, il lâche :

- T'es amoureux de moi ? Ça fait combien de temps que tu me louches dessus ? Tu le faisais quand on passait nos nuits à rire ? Tu te moquais de moi ? T'as envie de coucher avec moi ? Depuis longtemps ? Quand est-ce que ça a commencé ? Pourquoi tu m'embarques là-dedans ? J'ai du mal à respirer. Sans ta bouche contre la mienne, j'ai du mal à vivre encore.

De là où il était, de sa dominance de quelques centimètres, Tao pouvait fixer sans problème l'emplacement du visage de Jace et même, deviner à quelle vitesse il se décomposait. Parce qu'avec le murmure émit par sa bouche, les cloisons abimées qui laissaient se faufiler hors de ses dents quelques onces de son incompréhension lui étaient tout à fait distinguable. Le chanteur sent ses propres mains s'enfoncer dans ses poches ; il a envie de partir maintenant, même pas d'écouter les explications de l'autre par pure flemme, par manque d'envie de tomber dans quelque chose de trop lointain.

Il ne sait pas quoi en penser. Pas quoi penser.
D'une inspiration, il rafraichit son intérieur brûlant avant d'amorcer un bref hochement de tête. L'autre lui affirme que rien n'était prévu et lui, est d'accord pour le croire. La caresse cependant, le bloque. Tao Yàn tend légèrement la nuque, mord sa lèvre inférieure et marque un temps d'arrêt.

- Je vois.

Le corps long se décolle du mur pour faire un mouvement en direction de la porte. Mouvement qui reste en suspens lorsqu'il se rend compte qu'il est bloqué par l'étudiant qui fait barrage et que son visage au niveau du sien est de nouveau très proche. Si proche. Trop proche.

- ... On ... Devrait p't'être rentrer ..?