Cela lui donnait vraiment le tournis toute cette tension et voilà qu'il s'asseyait d'un air royal sur une chaise. Un chat arrogant... Jungo n'avait pas changer. Peut-être était-il devenu plus incisif et agressif. Ou peut-être que son passage à l'hôpital l'avait ramolli... Ou les deux à fois. Soupirant en se frottant la nuque, le brun haussa un sourcil en le regardant agir si impérialement.

"C'est mon instinct de prrréserrrvation qui me pousse à me cacher."

Et voilà que Jungo dédaignait le gobelet de vin chaud qu'Andrej lui tendait généreusement. Sa princesse du Nord avait un sacré caractère... Et était assez coléreuse pour le coup. Pourquoi se fâchait-il? Pourquoi lui donnait-il ce genre de leçons? Son sourcil se haussant encore plus haut, le russe le fixa avec soin, ses yeux s'étrécissant de vexation.

"Jun Jun Junny boy... Attention à ta petite langue."

Se frottant le front en soupirant, le brun le regarda s'éloigner en pinçant ses lèvres, finissant par jeter son vin chaud devenu glacé, agacé.

"Non. Mais ça ne doit pas êtrrre un bon jourrr. Je vais voirrr ce qui ne va pas, je rrreviendrrrai te voirrr aprrrès."

Andrej se tourna vers Shin et s'approcha de lui, lui caressant la joue avant de lui dérober un baiser.

"Trrrès beau dessin Ruby. A tout à l'heurrre."

Il lui fit un clin d'oeil avant de rattraper tranquillement, l'attrapant par le bras pour qu'il lui fasse face.

"Je peux savoirrr ce qui ne va pas? Tu as vu comment tu me parrrlais?"

Le russe haussa un sourcil en le regardant avec attention.

"C'était quoi ton speach là?"

Et le silence fut. Putain, moi qui étais si heureux de montrer mes cadeaux, ce con qui chiale si fort provoque en tout le monde le malaise général. Seulement quelques personnes discutent à voix basses, mais j’ai très bien reconnu cet aboiement : Jungo la princesse légendaire. Dans le temps où il allait en cours, il se frottait carrément à moi et ça me saoulait au plus haut point. Il me donnait envie de vomir tellement il était chétif et arrogant à se pavaner comme une star, ce qu’il n’a jamais été. Il casse les oreilles de toutes ces familles, franchement la politesse, il ne la connait pas du tout. Les mâchoires contractées, j’éclate un verre en carton vide. J’avais envie de lui éclater la gueule, une énième fois pour le faire disparaître, sans le voir dans mon champ de vision. J’ai les veines aussi chaudes que le vin, si ce n’est pas plus. Ce petit con mérite de crever à pleurer comme une madeleine. Je n’ose pas croiser le regard de Sebastian. Il serait contre, évidemment.

Le problème, c’est l’autre. Ce ton, cette voix qui résonne dans mes oreilles. Je la connais. Mon corps se fige, la peur se lit dans mes yeux et je reste planté là. Pas lui, pas aujourd’hui. C'est pas possible. Qu'est-ce qu’un animal fait au marché de Noël? Mes mains tremblent, je veux être six pieds sous terre sauf que je suis vivant, malheureusement.

Haussant un sourcil, Andrej plissa les yeux en le regardant, le noir insondable de ses yeux couvant avec intensité la princesse du Nord si orageuse.

« Je ne vais pas t’abandonner. »

Jungo était tellement hargneux. La plaie qu’il avait dans son âme semblait être infectée comme jamais… Attrapant son bras en lui demandant ce que tout ceci signifiait, le russe fut assez surpris de le voir exploser de cette manière. Les éclats ne le dérangeait pas, il était complètement sans gêne, mais il avait plus l’impression que sa vipère lui hurlait au secours que l’agressait. Alors il le laissa dire, il le laissa cracher son venin et vider complètement son sac, le visage impassible et le regard obscur, lisse, patient.

Quand il termina son laïus, il se tritura la nuque avant de s’approcher de lui, passant une main douce entre ses mèches avant d’enrouler ses bras autour de lui. Andrej le serra contre lui, frottant son dos.

« Lâche prrrise. Laisse moi t’aider. »

La voix calme, le brun se redressa en entendant une voix étrangère, se retournant pour reconnaître Malik Caleb Al’Ahmaq… Il ne le connaissait que de vue, n’ayant jamais vraiment eu l’occasion de faire des transactions avec lui, mais il avait une sacrée réputation. Méfiant mais la bouche close, Andrej le fixa avec attention avant de baisser les yeux vers Jungo, le regardant avec soin.

Incrédule, il le regarda hurler et déverser sa haine et sa souffrance, encaissant en silence. Ce n’était plus de la colère et du rejet mais un vrai appel à l’aide… Et voir celui qu’il considérait comme son jumeau dans un état pareil ne lui plaisait aucunement : Jungo était une princesse, une future reine, capable de régner dans les bas fonds avec lui. Être aussi fragile, c’était la porte ouverte aux charognards qui profiteraient de lui avant de le dévorer et de le dépecer jusqu’à ce qu’il se retrouve seul à crever dans le caniveau…

L’enserrant dans ses bras en soupirant, Andrej essayait de le rassurer autant qu’il le pouvait avant de se retourner vers lui. Ils se connaissaient… Un hôtel… Etait-il dans le sien ? Il aurait mieux valu qu’il continue de tapiner au Lux plutôt que d’aller chez lui… L’algérien finissant par disparaître, Andrej plissa les yeux et s’approcha de Jungo, caressant sa nuque avant de l’aider à se lever.

« Tu viens avec moi, ce n’est pas négociable. »

Le visage peiné, il glissa sa main dans la sienne et le raccompagna jusqu’à son stand pour qu’il récupère ses affaires, saluant Shin. L’esprit de Noël avait été complètement réduit en cendres...

« Navrrré, tu vas devoirrr gérrrer sans ton parrrtenairrre. Je me ferrrai parrrdonner. »

Andrej lui sourit avant de l’embrasser doucement, récupérant Jungo. Ils devaient rentrer… Un éclat de voix attira son attention et il hésita longuement avant de profiter de l’éloignement de Kris pour oser commettre très certainement une folie. S’approchant doucement, il admira les œuvres de l’italien, se remémorant leurs bons souvenirs… Comme les mauvais… Six mois déjà… Hmpf… Délicat, il prit une feuille blanche et dessina un papillon mauve aux arabesques fleuries avant de l’abandonner entre ses books pour disparaître avec Jungo.

Traversant le marché en gardant sa main dans la sienne, il regarda Darian en Père Noël, amusé de voir ce géant si content de son rôle. Il attendit qu’il se mette en pause derrière son rideau pour le rejoindre, lissant les plis de son costume en le félicitant avant de l’embrasser timidement, hésitant.

« N’oublie pas d’aller voirrr Krrris. A plus tarrrd. »

Et il le salua avant de quitter définitivement le marché de Noël avec Jungo, le « kidnappant » chez lui.