Pretty please brighten a little bit this f*cking night
Un bâillement sonore déchire le silence de l'appartement, tu t'étires. Tu te fais bien chier. Tu as volontairement ce rythme d'oiseau de nuit lorsque les weekends arrivent pour être performant jusqu'au petit matin. Ton intellect foutrement concentré sur les commandes à venir, la préparation des cocktails et les yeux que tu dois avoir partout pour éviter quelques drames, tu passes la porte de la cabine de douche et laisses l'eau tiède désengourdir tes muscles.
Le temps s'évade, tes cheveux cuivrés ont séché, en tee-shirt sous une veste légère, le trajet se fait tout seul. Mains dans les poches et la tête ailleurs, les effluves d'alcool n'ont pas encore imprégné les lieux. Seule, subsiste la fumée d'une clope et son propriétaire qui te salue d'une main. Tu hoches la tête, passe derrière le comptoir, déjà prêt à en découdre sous les derniers rayons de lumière. Bientôt, ce bistrot pourri sera témoin d'une débauche à en faire pâlir un gentilhomme. Tu esquisses un sourire, ton répit ne va pas durer.
Bières, whisky, autres breuvages en tout genre, enfin la chaleur de la pièce te permet de faire glisser la veste sur tes hanches. Pour une petite enseigne, vous remplissez bien les caisses et si tu n'empêches pas de quoi te mettre à l'abri pour l'éternité, tu es satisfait de ton train de vie. La plupart du temps ça n'est pas suffisant pour que ton intérêt soit piqué à vif. Il y a toujours quelques exceptions. Des bizarreries comme toi qui errent, perdues au milieu d'une foule aux sens amochés.
Les danses entêtantes, la proximité, les jeux de regards, tout ça, tu connais. Parfois tu te laisses tenter, quand on sait t'amadouer, quand le moment s'y prête. Tu ne vois point d'âme à te subjuguer. Patience, ce n'est que le début de tes déboires. On t'a déjà renversé une vodka citron, serviette sur l'épaule, tu as simplement dit : remboursé de ton humour sans sourire. On t'a cru, tu as levé les yeux au ciel en offrant la nouvelle tournée pour le malheureux maladroit ou plutôt éméché. Pas le temps de te poser. Le brouhaha s'élève, tu n'entends que très peu les cris du serveur quémandant ses poisons. Tu t'agites, quelle idée aussi d'avoir autant d'espace, c'est un appel aux fonds de tiroir de la population, ceux dans les tréfonds qui rampent, ombres dévoreuses de chair fraîche.
Ça ne te concerne pas et tu prends ta pause clope toi qui ne fumes pas, expirant cette fumée de température, loin des sifflements et des bruits parasitant ce calme tant affectionné. Tu requiers pourtant l'action, c'est ton petit paradoxe d'avoir des moments avec et d'autres sans.
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Pretty please brighten a little bit this f*cking night
Les prémices d'un mal de crâne se font sentir en dépit des habitudes. Parfois, ton humeur joue avec les basses et tu t'obstine à en ignorer tes envies de calme. L'espace au centre de la pièce est dédié aux plus audacieux, de quoi attirer l'œil lorsque tu t'es mis à distance de ces cauchemars sonores. Le voilà, ce masque errant derrière les figurants. Il relevait plus de la légende urbaine pour toi qui ne l'avait pas côtoyé. Tu ne connais ni son nom, ni le visage sous le voile et tu n'étais pas en service lorsqu'on t'a rapporté ce drôle d'énergumène.
Ton interlude a pris fin, au même moment, un crop top violet s'agite sous ton nez, tu ne vois qu'un sourire et sa tenue dénotant du reste. Tu aimes bien son style et d'un regard entendu prépare la boisson. Le shot envoyé dans le verre, tu fais glisser la commande.
"Sympa le masque, il représente quelque chose ?" tu retiens tes ardeurs, celles qui bien souvent te font passer pour un lourdo. Il faut avouer qu'un fantôme ne se croise pas tous les jours, encore moins aussi gracile. Tes croyances aussi particulières que ta personnalité te permettent d'imaginer tant de scénarii que tu en perdrais le fil si tu n'étais pas responsable du bar.
"T'es pas suffisamment stimulé pour un jagerbomb ?" tu le lui as servi, ta question est purement et simplement curieuse. Intéressée aussi. Tu ne doutes pas qu'il puisse tenir le rythme ou qu'il soit d'un métier physique, toutefois il reste plus fin, plus petit. Tu as pris tes repères et même si ça n'a rien à voir, tu espères qu'il sait tenir l'alcool en quel cas tu devras t'assurer de le ramasser et qu'il ne finisse pas dans les bras d'un autre ivrogne. En bref, ça deviendra ton affaire si c'est le cas, mais pour une fois tu ne vas pas dépenser ton fric à parier sur quel brindille sera vainqueur selon le concours peu subtil établi par les barmen et serveurs.
Tu attends une réponse sans non plus délaisser tes obligations, préparant les commandes non loin de cette branchette-là. Ce n'est pas ton genre de harceler les clients, ni de leur dicter une conduite. Tu es payé pour rester derrière le comptoir, quoique parfois on aime bien faire appel à toi pour seconder le videur, quand tu n'endosses pas ce rôle au besoin ou lorsque la routine te fait horreur.
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Sourire mutin deviné, entretien du mystère, voilà qui faisait ton affaire pour la soirée au moins. Tu sers ce qui t'est demandé, vaques à tes occupations quand tu n'as d'autres choix. Tu fais bien ton job et on te qualifie de gars sympa. Ce n'est pas ce à quoi tu aspires, même si ta vie est simple et te convient très bien, elle est sans rêve, sans but précis à conquérir. Aussi, lorsqu'on te parle de danse comme de respiration, tu as cette tendance à trouver fascinant la passion qui se cache derrière. Non qu'elle soit véritablement dissimulée, tout au contraire, ce n'est que la raison principale d'une telle conversation.
Tu hausses les épaules pourtant, accueillant avec légèreté toute réponse qui te parvient au milieu du cri des enceintes. "Pas mal, pas mal je dirais. Dommage de se planquer derrière, t'as l'air d'être plus que pas mal" plaisanterie mise à part, tu comprends l'idée, tu ne la condamnes pas et ne suggères pas plus de le retirer, ce ne sont pas tes affaires et du moment que ce gars ne poignarde personne, ça le sera encore moins. Il a été autorisé à entrer, il s'est fait un petit nom, rien qu'une personne comme les autres avec un masque en plus. Tous en portent, toi-même tu ne te livres pas au premier venu, pourquoi le faudrait-il ? C'est une sécurité et ça doit aussi l'être pour la petite brindille.
Un sourire amusé, puis tu repars à tes tourments, chacun son amant, lui la musique, toi ton travail. Loin d'être bourreau, tu reviens parfois à la discussion. Questions posées, réponses apportées, invitation à danser. Tu hésites avant de prévenir ton collègue. "Pourquoi pas" oui, ce gars sympa-là peut se le permettre, ne manquant jamais à son devoir. Tu as bien de la chance, tes seuls faux pas sont vite réglés, mais ils n'ont rien à voir avec l'assiduité. Quand bien même, tu t'absentes quand tu sais que tu en as la possibilité : comme ce soir, tu pourrais. Tu pourrais t'éclipser puisqu'il y a assez de monde pour te remplacer. Tu as appris le milieu, connais ses rouages et tu t'intéresses sincèrement à tes collègues pour savoir que ça peut en arranger certains.
"Nyl" tu laisses entendre à son oreille, après avoir contourné le bar pour le rejoindre.
Il abandonne son verre pas tout à fait terminé, s'avançant pour le rejoindre, un léger frisson sous la proximité de sa voix avant qu'il ne réponde de la même façon, sa voix feutrée contre l'oreille du barman.
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