Les flashs n’avaient cessé de le mitrailler toute la journée. C’était la nouvelle vie qu’il avait. A aucun moment il n’allait se la résumer pour lui-même, les constatations seraient trop… brutales, pour ses encéphales ralenties.

- C’est bon Taylor. Ta journée est finie.

Un simple signe de tête répondait au glas de la liberté. Sans attendre, ses doigts emprisonnaient sa veste puis il sortait du lieu de torture. Le temps était passé avec une lenteur insoutenable. Le blondin avait besoin de boire pour se détendre. Alors sans prévenir personne, il était parti : apprêté et maquillé, vers le premier bar qui se présentait à lui.

Le fait de ne plus avoir à draguer avait quelque chose de satisfaisant pour le mannequin. De reposant aussi. Le grand plus étant de ne plus se prendre une bite différente dans le cul tous les soirs. Maintenant c’était… Toujours la même. Un bref mouvement pour frotter son front à cette idée animait son bras droit. Ça faisait combien de temps que son contrat était lancé ? Deux semaines ? Peut-être trois. Il n’était plus sûr. En tout cas, Logan n’avait plus vraiment le temps de se morfondre dans son lit et de pleurer sur son sort.

Le tic-tac de l’horloge ne ralentissait pas.

Un verre.

Deux verres.

Puis pourquoi pas trois verres ?

Entre le quatrième et le cinquième, il ne savait plus où il en était.

Des whisky coca, comme l’ado qu’il était. Finalement, l’ancienne prostituée lâchait son comptoir et appelait un taxi pour rentrer dans sa nouvelle demeure. Ça donnait d’abord l’ancienne adresse au bonhomme qui semblait irrité par l’haleine fraîche du cadet, puis la nouvelle, en se rappelant qu’elle avait changé. Il soupirait et fermait les yeux en enfonçant son dos dans le cuir des sièges. Écoutant simplement le moteur gronder. Hm… Il devait demander une moto à Willow. La créature en avait marre d’être dépendante. Elle avait besoin de son moyen de locomotion préféré.

Finalement, la portière claquait après avoir payé sagement le chauffeur. Ça se retenait de faire un doigt. Avec nonchalance, celui au haut en flanelle ouvert jusqu’au bas des pectoraux, un collier en argent qui tombait parfaitement sur son plexus solaire et un pantalon qui marquait son séant, sortait les clés de sa poches pour ouvrir la grande porte. Quelques autres accessoires ornaient son enveloppe charnelle, des bagues, bracelets ainsi qu’un foulard noué au dessus de son coude. Il avait même une petite tresse dans les cheveux.

Son dos embrassait soudainement le mur avec brutalité, lui tirait une plainte désagréable ornée d’une grimace qu’il réprimait aussi vite que possible. Le regard cyan se posait sur l’homme alors que son souffle se faisait déjà plus intense. La mâchoire de la proie se resserrait alors que son regard se noyait dans le sien. Il ne bougeait pas. De toute façon, il n’en avait pas la capacité avec la poigne de son patron. L’échange de regard était intense. Les lèvres restaient durement serrées. Pas de question, pas de réponse. Ça fonctionnait comme ça pour le Logan. Puis le simple fait d’ouvrir la bouche dénoncerait l’occupation à laquelle il s’était adonné durant les dernières heures.

Mais il n’était pas prêt à plier pour si peu. Le travail avait été bien fait, il le savait. Il n’avait pas de couvre feu non plus. Actuellement, il se sentait droit dans ses bottes. A moins qu’il avait oublié un rendez-vous ? C’était totalement possible.

Où il était ? Quelque part entre le whisky et les clopes. Dans sa bouche ça sentait la fête. Dans son corps c’était aussi animé qu’à une veillée funéraire. Le patron avait l’air d’être très en colère contre son employé préféré. Employé qui ne tenait droit principalement que grâce au mur qui maintenait son dos. Certainement qu’il aurait chancelé si la poigne ne maintenait pas son haut.

Le doigt forçait au mannequin à ouvrir la bouche. Le blond ne luttait pas. Docile. Et d’un mouvement pour le moins inattendu, l’américain faisait glisser sa langue contre les phalanges saillantes de son aîné. Vieille habitude. Peut-être les prémices d’un jeu qu’il n’assumerait pas. Et ne il parlait toujours pas, celui qui était sous l’influence de l’éthanol. Il observait ce visage et ce regard qui semblait le transpercer de part et d’autres. Est-ce que Willow avait au moins conscience de la présence impressionnante qu’il avait ?

Ses paupières battaient lentement sur ses billes océaniques. Gardant cette fois-ci ses lèvres entrouvertes. N’ayant plus rien à cacher étant donné qu’il était démasqué. Sa langue passait lentement sur ses lips pour les humidifiées. Elles étaient sèches. Comme sa gorge. La boisson attirait la soif. Et celle-ci avait envie de se faire étancher.

- Ouais, j’ai bu.

Ses habitudes avaient une place particulière dans ses actions quand il était dans cet état. Observant un instant les doigts qui tenaient sa chemise bien trop ouverte, sa nuque s’inclinait sur le côté. Le geste était presque brutal. L’américain n’avait pas tenu le poids de son crâne. Ses iris caressaient les bras de Willow. Remontaient sur son torse. Taquinant sa gorge. Sa mâchoire. Puis ce regard courroucé. D’une impulsion sans origine évidente, le mannequin apportait ses lèvres à l’oreille de son supérieur.

- C’pour m’attacher, la cravate ?

Qu’il demandait avec sa nonchalance arrogante. Pointant de l’index l’objet qui trônait dans la main de son homologue.

La présence en proie à sa colère disparaissait. Abandonnant ainsi à son propre sort le mannequin. Se dernier glissait ses doigts dans ses poches et taquinait de la pulpe de ses doigts le paquet cartonné. Il avait envie de s’en griller une. Peut-être que s’il n’avait pas été Logan, il aurait rit de voir ce grand homme ainsi se vexer. Mais il était Logan. Pas souriant. Pas rieur. Pas forcément facile à cerner. Redressant lentement son dos en une verticale non soutenue, l’américain partait vers la cuisine. Le pas chancelant, ça fouillait dans les tiroirs. Cherchait une bouteille de verre au contenu ambré. A l’étiquette qu’il chérissait. C’était son doudou. La chose à laquelle il se raccrochait. Ça éloignait les pensées négatives. Ou ça faisait oublier les ruminations le lendemain. Posant dans la moindre délicatesse un récipient sur le comptoir, Logan faisait sauter le bouchon d’une pichenette experte. Ce dernier volait il ne savait où. Très probable qu’il ne se donnerait pas la peine de le chercher. Celui-ci s’était enfui dans la stratosphère. Faisant couler le contenu, son second bras se tendait pour attraper la bouteille en plastique bien moins cher. A merde, il avait renversé du whisky dans son mouvement. Un sourcil s’arquait sur son front.

- Han.

Déposant sa seconde bouteille sur le comptoir, l’irrécupérable observait la flaque qui s’étendait de part et d’autre du verre à demi rempli. Tant pis. Il faisait sauter le second bouchon et terminait de remplir son verre. Entre temps, un morceau de tabac avait trouvé la route de ses lèvres. Son briquet allumé, celui-ci venait embrasser sa tueuse dans une danse funeste. Première inhalation. Nuage de fumée dans l’appart. Puis l’alcool qui rejoignait à nouveau ses lèvres. A défaut d’autre chose. Beurk, il aimait rien d’autre.

Complètement ivre, il l’était. Manger, il l’avait pas fait. Parce que quand il travaillait, il ne mangeait pas. C’était sûrement ça qui avait fait succomber le squelette aux paroles tentatrices de l’éthanol.

Son téléphone déverrouillé, il ouvrait une application pour mettre de la musique. Son regard balayait l’écran. Appuyant finalement au hasard plus sur une couleur que sur un nom. « (What a) wonderful world ». Les notes l’étonnait. Aucun souvenir d’avoir mis ça dans sa playlist. Trop bizarre. En tout cas, le mannequin était ailleurs. Sur la stratosphère probablement, comme le bouchon du whisky.

Si ses réflexes n’étaient pas annihilés par l’alcool, peut-être que Logan aurait réagit. Probablement même qu’il aurait senti sa présence s’approcher de la sienne s’il n’avait pas tant bu.

Mais Logan avait flanché ce soir. Il avait succombé à ces molécules dangereusement tentatrice. Le corps se collait au sien. Les doigts prenaient place sur son propre épiderme. Mais la proie ne se raidissait pas. Elle semblait même docile. Inspirant encore sur son morceau de tabac. Pas gêné de désobéir. Trop de règles pour sa petite tête blonde. Surtout pour un « chez lui ». Il devait au moins faire ça pour se sentir à sa place.

De manière totalement incontrôlée, sa peau se mettait à frémir. Des frissons courraient sur sa peau, faisant hérisser le fin duvet présent sur sa nuque.

- Aïe…

Il soufflait. D’une manière qui ne convaincrait pas même la personne la plus naïve du monde.

- Les maquilleuses vont pas kiffer…

Faux. Elles allaient faire tourner des rumeurs sur la vie du mannequin. Le disputer faussement parce qu’elles devraient maquiller sa peau plus que d’habitude. Mais ça leur donnerait l’impression illusoire de créer un lien avec celui qu’elles appelaient Taylor.

Ça chauffait dans son corps, de ces lèvres qui le parcouraient. Qui cajolaient son enveloppe comme s’il était l’une des choses les plus précieuses du monde. C’est qu’il appréciait. Bien qu’il ne se formulerait pas même le temps d’un instant qu’il appréciait ce qu’il se passait. L’homme suivait les mouvements de celui qui menait littéralement la danse.

- Et toi, pourquoi tu l’as pas rompu, hm ?

Créature insupportable qui ne savait répondre à rien.

En voyant son verre ainsi se faire amputer de nombreuses gorgées, le mannequin plissait les yeux. De toute façon il pourrait se servir un autre verre. Ou il pourrait même en prendre un deuxième tout de suite. Mais actuellement, la créature ivre n’avait pas envie de quitter cette chaleur qui l’entraînait au rythme de la musique. Ça avait ce côté agréable. Comme ce péché inavouable. Qu’on gardait pour soi coûte que coûte. Plaisir coupable. Pareil à cette musique inavouable.

- Hm.

Tournant alors que son partenaire s’éloignait, il détaillait ses mèches. Ces cheveux ainsi lâchés lui donnaient l’impression de voir une cascade se déverser. Ça donnait envie de plonger les doigts dedans. Et comme pour se ramener un peu sur terre, Logan attrapait son verre. Faisant couler de longues gorgées dans son œsophage. Il était déjà anesthésié par le goût depuis un moment. Voilà longtemps qu’il ne grimaçait plus au goût de cet alcool. Le fréquentant depuis ses seize ans. Ça fumait et buvait dans l’appart. Comme un sale canidé qui frottait son cul ou faisait pipi pour marquer son territoire. Irrespectueux qu’il était. Le récipient finalement vide, le mannequin boudait de déjà devoir se resservir. Pour l’instant, il était plutôt occuper à se tenir au comptoir pour ne pas chanceler. Et pourtant, le blond gardait la face. Ne quittant pas du regard son homologue. Cette espèce de fierté qu’il n’avait pas affichée à son visage.

- Sont longs.

Les cheveux. Quelle réflexion inutile. Ça manquerait presque de faire pouffer l’être intoxiqué. Il tirait sur sa cancérigène et finalement, la laissait tomber dans les deux gouttes d’alcool encore présentes. Au moins il n’avait pas prévu de foutre le feu à son nouveau logement.

En face de lui, contre ses doigts, ça faisait preuve d’une tendresse dont Logan n’avait pas l’habitude. Elle dénotait totalement de son propre état d’ébriété. L’autre était doux. Lui manquait de s’emmêler les pieds en se faisant attirer ainsi. Ses phalanges se cramponnaient avec une certaine force sur ce tissu qui lui faisait face. Se tenait à son supérieur comme s’il était la seule chose tangible sur terre sur laquelle il pouvait s’appuyer.

Ça dansait.

Plutôt bien même, du côté du blond. Il avait appris, dans toutes ses tentatives de séductions. Le corps avait retenu les mouvements. La manière dont il devait se tordre et le chaloupement qui devait animer ses hanches. Ce blond avait appris à séduire. Bien qu’il n’avait jamais vraiment utiliser ses armes contre Willow. Contre ou pour. Tout dépendait du point de vu.

Ses lèvres s’approchaient. Le souffle du cadet perdait légèrement en régularité. Toujours emprunt de cette odeur de tabac et d’alcool. Mélange chaotique. Puis, elles se déposaient contre les siennes. Cela créait comme un déclic dans l’esprit fracassé du blond. La main de Logan montait sur la nuque de Willow. Sa prise se serrait sur son épiderme alors que son propre torse se pressait plus fort contre le sien. Ne cessant de danser. Il se mettait à onduler avec cette subtilité aussi insupportable que lui. Ses lèvres bougeaient contre celles de son aîné. Sachant se débrouiller avec elles bien qu’il ne les utilise que rarement. Restant bien cramponné à lui, il montait ses doigts dans ses fils. Les serrant sans trop de force. Son souffle aussi perdu que les battements de son muscle cardiaque.

Mais tu fais quoi, là ?

Que ça questionnait dans sa tête. Avant de se faire avaler par les bulles de l’ébriété.

Tout allait vite. Peut-être trop vite. Le moindre mouvement nécessitait une concentration plus intense pour pouvoir faire la mise au point visuelle. Alors il fermait les yeux. Sentait que l’alcool faisait vibrer tout son crâne. Les rouvrait. Du verre par terre. Son haut plus loin.

Son corps se tordait. Offrant une cambrure diabolique pendant que ces dents arpentaient son corps. Les cuisses du mannequin s’écartait, accueillant entre elle l’homme à la longue chevelure. Le mouvement de son bassin devenait lascif, frottant son entre jambe contre celle de son amant ou client. À ce stade il ne savait plus. Mais le contrat l’empêchait de penser, l’empêchait d’imaginer. L’empêchait de devoir réfléchir. Et ça, ça lui facilitait grandement la vie.

Seule chose que Logan aurait préféré a cet instant, c’est d’être dos à son bourreau. Mais l’alcool envoyait valser sa pudeur. Il n’était plus gêné de rien. Plus entravé par aucune chaîne. Son souffle se faisait audible. Le bruit des baisers réchauffant la pièce. Cette chaleur qui venait enflammer ses reins. Les doigts du mannequin venaient retirer le haut de son adversaire, remontant ensuite ses mains sur sa nuque. Docile et actif. Il était peu tout. Sur de lui et maladroit. Habitué dans ses gestes et malhabile. Son intoxication le rendant différent du Logan dont Willow avait l’habitude.

Entreprenant. Une main s’abaissait pour défaire le pantalon de l’homme d’affaires. S’affairant à glisser quelques caresses dessus, faussement innocente. Il allait le faire gémir. Le « jeu » du cadet : faire jouir son homologue le plus vite possible. Et il savait comment appuyer.

Et comme dans tous ces films à la con, le temps n’existait soudainement plus. Les grains du sablier s’étaient figés. Est-ce que ça venait de lui ? Ou alors était-ce simplement les litres d’alcool que Logan avait ingurgité qui faisaient que ses encéphales n’étaient plus capable de percevoir les minutes s’écouler ? Jamais il n’aurait la réponse, parce qu’il n’était plus en état de penser.

Le cerveau blanc.

La voix off endormie.

Et pourtant, pourtant, à aucun moment il n’entendait le silence. Parce que c’était bruyant. Bruyant dans sa poitrine qui frappait. Bruyant dans son crâne engourdi. Bruyant sur le sol du verre éclaté.

Les doigts bien trop fins s’agrippaient. Prison osseuse sur cette enveloppe qui lui faisait face. Un soupire audible lui échappait quand des perles blanches se plantaient dans son épiderme. Râle, emprunt d’une émotion difficilement discernable. Ses métacarpes se mettaient à défaire la chemise de son adversaire/partenaire. Hostilité, désir ? Réponse inconnue.

D’un geste habile, le pantalon de l’homme qui lui faisait face se faisait défaire. Un bruit de braguette. Une paume aventureuse qui s’était glissée sous le sous-vêtement afin de prodiguer à l’organe dissimulé quelques caresses. Le visage de l’angelot trouvait refuge contre la gorge bouillante. Des questions éclataient « J’suis debout ? », « Il aime ça ? » avant de se dissoudre dans les méandres de ses pensées. La prise sur la verge de Willow se faisait plus présente. Commençant sans préavis ses mouvements de vas et viens.

Craque.